Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L’employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.
Situations justifiant l’exercice du droit d’alerte du CSE pour atteinte aux droits des personnes
Un membre du CSE peut exercer un droit d’alerte s’il constate une atteinte, non justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché :
– Aux droits des personnes ;
– Ou à leur santé physique et mentale ;
– Ou aux libertés individuelles dans l’entreprise.
Le même article du Code du travail précise que l’atteinte peut résulter notamment de faits de harcèlement sexuel ou moral ou d’une mesure discriminatoire en matière : d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction, de licenciement.
La jurisprudence a ainsi considéré qu’entrent dans le cadre de situations justifiant un droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles :
– Le retrait d’éléments de preuve obtenus par l’employeur par des moyens frauduleux qui constituent une atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles (Cass. soc., 10 déc. 1997, no 95-42.661) ;
– Une demande d’enquête destinée à vérifier que l’employeur n’a pas pu prendre connaissance des messages qualifiés de personnels ou pouvant, de par leur classement, être considérés comme tels (Cass. soc., 17 juin 2009, no 08-40.274).
– En cas de soupçons de discrimination (Cass. soc., 9 septembre 2020, nº 18-24.861), et notamment de discrimination syndicale (Cass. soc., 3 mars 2021, nº 19-20.177), mais non pour une simple question d’inégalité de traitement (Cass. soc., 14 octobre 2020, nº 19-11.508).
En revanche, ne constituent pas un exercice licite du droit d’alerte les actions :
– Visant à demander la nullité des licenciements prononcés par l’employeur à la suite d’une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles (Cass. soc., 10 déc. 1997, no 95-42.661) ;
– D’un représentant du personnel pour demander le paiement d’un rappel de salaire concernant sa propre personne (Cass. soc., 3 févr. 1998, no 96-42.062) ;
– Visant à faire adopter des mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits de la personne ou aux libertés individuelles alors que la salariée n’était plus dans l’entreprise (Cass. soc., 3 nov. 2010, no 09-42.360) ;
– Ou encore, visant à faire annuler une sanction disciplinaire pour laquelle le salarié concerné dispose d’une voie de recours spécifique (Cass. soc., 9 févr. 2016 no 14-18.567).
La dénonciation peut se faire même si un seul salarié est concerné et même si le salarié en question est un représentant du personnel (Cass. soc., 26 mai 1999, no 97-40.966).
Procédure en cas de saisine de l’employeur
Le membre du CSE qui constate l’existence de faits précédemment décrits saisit « immédiatement » l’employeur.
Le référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, mis en place au sein de chaque comité social et économique, peut exercer son droit d’alerte en cas de harcèlement sexuel, à l’instar des autres membres du comité. Si l’alerte ne vient pas de lui, il semble pertinent d’informer tout de même le référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, mis en place par l’employeur dans les entreprises d’au moins 250 salariés (article L. 1153-5-1 du Code du travail).
L’employeur doit alors procéder à une enquête avec le membre du CSE. Au cours de cette enquête, il appartient à l’employeur de rencontrer les différents protagonistes, de les entendre, de recueillir toutes informations utiles pour la compréhension de la situation, au besoin en rencontrant des collègues de travail ou toutes personnes nécessaires. Cette enquête est immédiate et doit être suivie de mesures permettant de mettre un terme aux atteintes (article L. 2312-59 du Code du travail).
En cas d’inaction de l’employeur ou de divergence sur la réalité de l’atteinte, ou si aucune solution n’a été trouvée, le représentant du personnel peut, si le salarié concerné ne s’y oppose pas, saisir le bureau de jugement du conseil de prud’hommes. En effet, le salarié peut refuser que le membre du CSE saisisse directement le bureau de jugement. Il peut préférer saisir lui-même ce bureau ou ne pas exercer d’action judiciaire. En outre, il peut toujours saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure de droit commun sans bénéficier des dispositions dérogatoires du droit d’alerte (Circ. DRT. no 93-10 du 15 mars 1993).
Le juge peut également être saisi par un syndicat dans le cadre d’une procédure de substitution.
Le bureau de jugement du conseil de prud’hommes peut être saisi en urgence, selon une procédure accélérée au fond ; l’étape de la conciliation prud’homale, normalement obligatoire dans la procédure prud’homale est alors écartée.
Cette procédure accélérée est ouverte pour l’une des deux hypothèses suivantes :
– Existence d’une carence de l’employeur qui ne donne aucune suite à l’alerte du CSE. Tel est par exemple le cas lorsque l’élu a exercé son droit d’alerte dans des circonstances exceptionnelles et qu’aucune suite n’a été donnée à sa lettre (Cass. soc., 28 mars 2006, no 04-41.016) ;
– Divergence sur la réalité de l’atteinte portée aux droits et libertés des personnes.
Le juge prud’homal peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte ; autrement dit plus l’employeur tarde à réagir plus la somme qu’il devra au trésor public sera élevée (C. trav., art. L. 2312-59, der. al.).
Le juge a les pouvoirs les plus larges pour ordonner cette mesure. Il peut, par exemple, ordonner sous astreinte, qu’un autocommutateur n’enregistre pas les conversations privées des salariés concernés ou encore, qu’un système de caméra soit retiré (Cass. soc., 17 juin 2009, no 08-40.274). À l’égard des candidats postulant à des emplois proposés par l’entreprise, le juge peut ordonner le retrait de demandes contenues dans des questionnaires qui ne présenteraient pas de liens directs ou nécessaires avec les emplois susceptibles d’être proposés dans l’entreprise (Circ. DRT. no 93-10, 15 mars 1993).