
Jusqu’à présent, un salarié en abandon de poste pouvait – pour ce motif – être licencié par l’employeur puis prétendre à des allocations chômage. La loi « marché du travail » du 21 décembre 2022 a institué une présomption (simple) de démission en cas d’abandon de poste par un salarié, ce qui a pour effet de le priver des dites allocations. Ainsi, un nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail prévoit qu’un salarié ayant abandonné volontairement son poste de travail et ne le reprenant pas après avoir été mis en demeure de le faire et de justifier son absence dans un certain délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. Il s’agit d’une présomption simple, pouvant être contestée par le salarié devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, qui statue sur la nature de la rupture et ses conséquences et ce, dans le délai d’un mois suivant sa saisine.
Un décret du 17 avril 2023 (n° 2023-275) précise la procédure devant être respectée par l’employeur souhaitant faire jouer le mécanisme de présomption de démission en cas d’abandon de poste par un salarié. Il fixe également à 15 jours le délai minimal laissé au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste. Il a été complété par un Questions-Réponses publié par le ministère du travail.
La présomption de démission se substitue au licenciement pour faute
A la question de savoir si un employeur souhaitant se séparer de son salarié ayant abandonné son poste peut-il, à partir du 19 avril, continuer à utiliser la voie du licenciement disciplinaire ? le questions-réponses semble répondre par la négative. Ainsi, « si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission ». Par conséquent, « l’employeur n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ». Interrogé sur ce point, le ministère du Travail nuance cependant sa position et ajoute « qu’il ne faut pas surinterpréter cette formule qui n’exclut pas le licenciement pour faute », tout en affirmant que la présomption de démission « se substitue à la procédure de licenciement disciplinaire ». Le questions-réponses ne sera pas pour autant modifié pour apporter une clarification.
Toutefois, l’employeur qui entend conserver son salarié dans ses effectifs reste libre de ne pas mettre en demeure son salarié et donc de ne pas utiliser la présomption de démission. Dans cette hypothèse, le salarié n’est pas rémunéré pendant la période non travaillée et son contrat de travail est suspendu.
Le contenu de la mise en demeure
Pour pouvoir considérer son salarié ayant abandonné son poste comme démissionnaire, l’employeur le met préalablement en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste. Cette mise en demeure doit, selon l’administration :
– Préciser le délai dans lequel le salarié est tenu de reprendre son poste, qui ne peut être inférieur à 15 jours calendaires. En effet, le questions-réponses précise « il faut entendre ce délai comme calendaire (c’est-à-dire week-end et jours fériés compris) ».
– Demander la raison de l’absence du salarié afin d’en recueillir la justification ;
– Rappeler au salarié que passé le délai accordé, faute d’avoir repris son poste, il sera présumé démissionnaire.
Par ailleurs, l’employeur peut indiquer au salarié qu’une démission même présumée le privera de ses droits à l’assurance chômage (sauf pour les démissions pour motif légitime énumérées par le règlement d’assurance chômage). Il est aussi recommandé à l’employeur de rappeler au salarié ne reprenant pas son poste son obligation d’exécuter un préavis et les modalités de son organisation. La mise en demeure peut également préciser que « le silence du salarié sur l’organisation de l’éventuel préavis peut constituer de la part du salarié une manifestation de son refus de l’exécuter ».
L’envoi d’une lettre recommandée sécurise la mise en demeure
L’envoi par lettre recommandée de la mise en demeure permet de prévenir toute contestation sur la date de sa remise au salarié. En effet, la présentation de la lettre au domicile du salarié vaut notification régulière de la mise en demeure, quand bien même ce dernier refuse d’en prendre connaissance. La solution est similaire si le salarié, par négligence, n’a pas fourni la bonne adresse de son domicile.
Afin de sécuriser au maximum la date de présentation de la mise en demeure, un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) est préconisé par le ministère du Travail.
Rappelons que cette date de présentation est importante puisqu’elle fait courir le délai accordé au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste.
L’invocation d’un motif légitime exclut la présomption de démission
Conformément au décret du 17 avril, la justification d’un motif légitime par le salarié ayant abandonné son poste, dans sa réponse à la mise en demeure, fait obstacle à l’application de la présomption de démission. Dans cette situation, si la procédure a été engagée elle ne devra donc « pas être conduite à son terme » et l’employeur devra « veiller à protéger les salariés » faisant « état d’une situation de danger ».
Sont notamment considérés comme légitimes : les raisons médicales, l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation, ou encore le refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
Concernant les justifications d’ordre médical, le ministère du Travail apporte des précisions ne résultant ni du décret ni de la loi. Il considère en effet que « l’absence du salarié est justifiée par son état de santé et qu’il s’est absenté pour consulter un médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail pour le jour même ». Il indique en outre que « le salarié devra fournir dans ce cas le certificat médical daté du jour de son abandon de poste ».
La démission est présumée à l’issue du délai fixé par l’employeur
Un salarié qui ne répond pas à la mise en demeure en invoquant un motif légitime, et qui ne reprend pas le travail dans le délai fixé par l’employeur, est présumé démissionnaire. « La démission du salarié est constatée à la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur ». La même solution s’applique lorsque le salarié répond à son employeur qu’il ne reprendra pas son travail.
Par ailleurs, la démission du salarié ayant abandonné son poste n’a pas à être formalisée, y compris lorsque la convention collective applicable impose au salarié qui souhaite démissionner de produire un écrit. À cet égard, l’administration recommande aux partenaires sociaux « de mettre à jour les conventions collectives afin de prévoir explicitement que l’exigence d’une démission exprimée par écrit ne s’applique pas dans le cadre de la présomption de démission ».
Le préavis de démission : application des règles de droit commun
Les règles de la démission de droit commun s’appliquent s’agissant du préavis. Ainsi, un préavis est dû par le salarié présumé démissionnaire si des dispositions législatives, conventionnelles ou des usages le prévoient. Trois situations peuvent se présenter, selon l’administration.
– Refus par le salarié d’exécuter son préavis : l’employeur peut exiger le versement d’une indemnité compensatrice correspondant aux sommes que le salarié aurait perçues s’il avait exécuté son préavis.
– Dispense par l’employeur de l’exécution du préavis : le salarié perçoit une indemnité compensatrice.
– Accord entre l’employeur et le salarié sur l’inexécution du préavis : aucune indemnité compensatrice n’est due.
Par ailleurs, le préavis de démission commence à courir à compter de la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur dans la mise en demeure.
Les documents de fin de contrat doivent être remis au salarié
La démission présumée s’aligne, par principe, sur le régime juridique de la démission de droit commun. Ainsi, l’employeur est tenu de remettre au salarié ses documents de fin de contrat : certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation d’assurance chômage. Il doit mentionner comme type de rupture du contrat « démission », y compris dans la déclaration sociale nominative (DSN). Les employeurs ne sont tenus que de tenir ces documents à disposition du salarié démissionnaire mais le ministère recommande de leur en adresser un double par voie postale.
Par ailleurs, le salarié présumé démissionnaire a droit à une indemnité compensatrice de congés payés dont le montant est mentionné sur le reçu du solde de tout compte.
Dans un questions-réponses publié le 18 avril 2023, le ministère du Travail apporte des précisions sur la mise en œuvre de la nouvelle « présomption de démission » créée par la loi Marché du travail.
