Après la publication, le 15 avril dernier, de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023, dite « loi Retraites », les textes d’application étaient attendus en vue de l’entrée en vigueur de la réforme le 1er septembre prochain, en particulier ceux sur les mesures d’âge. Deux décrets ont été publiés au Journal officiel du 4 juin, pris en application des articles 10, 11 et 17 de la loi, portant sur l’âge légal de départ et la durée de cotisation, ainsi que sur les départs anticipés, y compris pour carrières longues.
Décret nº 2023-435 du 3 juin 2023 portant application des articles 10, 11 et 17 de la loi nº 223-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 Décret nº 2023-435 du 3 juin 2023 portant application des articles 10, 11 et 17 de la loi nº 223-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Décret nº 2023-436 du 3 juin 2023 portant application des articles 10 et 11 de la loi nº 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 Décret nº 2023-436 du 3 juin 2023 portant application des articles 10 et 11 de la loi nº 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Relèvement progressif de l’âge de départ et accélération du rythme de relèvement de la durée de cotisation
Les deux décrets publiés détaillent les mesures relatives à l’âge de départ à la retraite, prévues à l’article 10 de la loi.
- Le report progressif de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Le décret simple fixe l’âge légal applicable aux assurés nés avant le 1er janvier 1968, sachant que le report aura lieu à compter du 1er septembre 2023 à raison de trois mois par année de naissance pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1967. L’âge légal de départ sera ainsi porté de 62 ans actuellement à 64 ans en 2030 (génération 1968 et suivantes).
- L’accélération du calendrier d’allongement de la durée d’assurance prévu par la loi Touraine permettant de percevoir une pension à taux plein. Les 43 annuités (soit 172 trimestres) seront ainsi requises, prévoit le décret pris en Conseil d’État, dès 2027 (au lieu de 2035), au rythme d’un trimestre par an (au lieu d’un trimestre tous les trois ans).
- Le maintien de l’âge d’annulation de la décote (ou âge du taux plein) à 67 ans est prévu par le texte pris en Conseil d’État.
Annulation de la pension ou de la demande de pension
Conformément à la loi, l’article 7 du décret simple ouvre la possibilité, pour les assurés ayant demandé leur pension avant l’entrée en vigueur de la réforme, le 1er septembre 2023, et qui entrent en jouissance de leur pension après le 31 août 2023, de bénéficier de l’annulation de leur pension ou de leur demande de pension. Pour cela, ils devront déposer leur demande entre le 5 juin et le 31 octobre 2023 au plus tard.
Départ anticipé pour carrière longue : création de quatre bornes d’âge confirmées par décret
La loi prévoit la création de quatre nouvelles bornes d’âge pour les assurés nés à compter de 1970, confirmées par l’article 3 du décret simple :
Un début d’activité avant 21 ans permettra un départ à 63 ans ;
- Avant 20 ans, un départ à 62 ans ;
- Avant 18 ans, un départ à 60 ans ;
- Avant 16 ans, un départ à 58 ans.
Le décret supprime en conséquence la borne d’âge de début d’activité de 17 ans et ajoute celles de 18 et 21 ans. Les conditions actuelles du dispositif (durée d’assurance cotisée, quatre (assuré né dans les 3 derniers mois de l’année) à cinq trimestres validés avant la borne d’âge continueront à s’appliquer.
La durée d’assurance exigée pour le départ en retraite anticipé pour carrières longues est néanmoins abaissée au niveau de la durée d’assurance requise pour l’obtention du taux plein, soit 43 ans après l’accélération de la réforme Touraine.
En outre, seront alignées sur le régime général les périodes réputées cotisées pour le calcul de l’éligibilité au départ anticipé pour carrières longues au régime des non-salariés agricoles.
Pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1969 et ayant débuté leur activité avant 20 ans, compte tenu de l’augmentation progressive de l’âge légal de départ à la retraite, l’article 3 du décret simple prévoit une montée en charge progressive de l’âge du départ anticipé à la retraite, qui varie de 60 à 62 ans selon l’année de naissance :
- Pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 août 1963 inclus, l’âge d’ouverture des droits est fixé par le décret à 60 ans ;
- Pour les assurés nés entre le 1er septembre 1963 et le 31 décembre 1968 inclus, cet âge est fixé « deux ans et six mois » avant leur âge légal de départ à la retraite, précise le décret, soit : 60 ans et 3 mois pour les assurés nés entre le 1er septembre et le 31 décembre 1963 ; 60 ans et 6 mois pour ceux nés en 1964 ; 60 ans et 9 mois pour ceux nés en 1965 ; 61 ans pour ceux nés en 1966 ; 61 ans et 3 mois pour ceux nés en 1967 ; 61 ans et 6 mois pour ceux nés en 1968 ;
- Pour les assurés nés en 1969, l’âge d’ouverture des droits est fixé à 61 ans et 9 mois.
Prise en compte des trimestres acquis au titre de l’AVPF (assurance vieillesse du parent au foyer) et de l’AVA ((assurance vieillesse des aidants)
Les trimestres acquis au titre de l’AVPF ainsi que de l’AVA seront pris en compte pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue, dans une limite fixée par le décret à quatre trimestres.
« Clause de sauvegarde » pour les assurés éligibles au dispositif de départ anticipé pour carrières longues avant le 1er septembre 2023, qui ne le seront plus après cette date du fait de l’accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance requise de leur génération.
Les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 qui justifient, avant le 1er septembre 2023, de la durée d’assurance requise avant l’entrée en vigueur de la loi pourront demander à prendre leur retraite anticipée, à compter du 1er septembre 2023, dans les conditions d’ouverture de droit applicables avant l’entrée en vigueur de la réforme le 1er septembre 2023 (début d’activité avant 20 ans et 168 trimestres cotisés). Ainsi, pour les assurés de la génération 1963 pouvant prendre leur retraite anticipée en 2023, la clause de verrouillage leur permettra de partir s’ils justifient de 168 trimestres cotisés, sans devoir atteindre les 170 trimestres requis pour cette génération du fait de la réforme.
Aménagement des autres dispositifs de départ anticipé
Pour incapacité permanente
Le dispositif de départ anticipé au titre de l’incapacité permanente est adapté du fait du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Avant la réforme, les personnes victimes d’un AT-MP (accident du travail-maladie professionnelle) ayant entraîné une IP (incapacité permanente) pouvaient partir à compter de l’âge de 60 ans. Désormais, la loi différencie l’âge de départ selon le taux d’IP, fixé par le décret. L’attribution anticipée de la retraite à taux plein sera ainsi possible :
- A compter de 60 ans, pour les assurés justifiant d’un taux d’IP d’au moins 20 % ;
- Deux ans avant l’âge légal, soit 62 ans à terme, pour un taux d’IP de 10 % à 19 %.
La condition d’identité de lésions entre celles occasionnées par un AT et celles indemnisées au titre de la législation sur les MP sera supprimée pour les assurés justifiant d’un taux d’IP au moins égal à 20 %. Cette condition perdure, en revanche, pour les assurés dont le taux d’IP est de 10 % à 19 %.
Le décret précise par ailleurs que l’avis de la commission pluridisciplinaire ne sera pas requis lorsque l’IP est consécutive à une maladie professionnelle liée à une exposition à l’un des facteurs de risques sortis du C2P (compte professionnel de prévention) en 2017.
Enfin, le décret prévoit un élargissement des justificatifs d’exposition aux risques professionnels transmis auprès de la commission pluridisciplinaire pour demander l’accès à la retraite anticipée, afin d’en faciliter l’instruction. Seront désormais incluses dans les informations à transmettre les listes de métiers ou d’activités particulièrement exposés aux facteurs de risques ergonomiques (exposition à des postures pénibles, manutentions manuelles de charges et/ou vibrations mécaniques). Ainsi, le fait que le ou les métiers, ou activités que l’assuré a exercées pendant 17 ans soient inscrits dans une liste de métiers ou activités élaborée par une branche professionnelle pourra servir de justificatif pour établir le lien entre l’IP et l’exposition à ces facteurs de risque.
La loi prévoit aussi que les personnes qui bénéficient d’une rente AT-MP devront être informées sur leur droit à un départ anticipé pour incapacité permanente. L’âge et les modalités de cette information ne sont pas précisés dans les décrets publiés, mais devraient l’être dans un texte à paraître.
Pour handicap
Le décret simple maintient l’âge de départ à la retraite anticipée des travailleurs handicapés (RATH), à partir de 55 ans.
Les conditions pour bénéficier d’un départ anticipé sont également assouplies :
- Le taux d’incapacité nécessaire pour saisir la commission ad hoc au moment du départ à la retraite, qui permet une validation rétroactive de trimestres en situation de handicap, est abaissé de 80 % à 50 % ;
- La double condition de trimestres cotisés et validés en situation de handicap est supprimée, pour ne conserver que la condition de trimestres cotisés (à savoir ceux qui ont donné lieu à un versement effectif de cotisations aux caisses de retraite, calculées sur les revenus d’activité). Celle-ci correspond à une fraction de la durée d’assurance nécessaire à l’obtention du taux maximum de 50 %, et sera désormais fonction de l’année de naissance des assurés.
Le texte prévoit de diminuer la durée d’assurance cotisée pour compenser l’augmentation du nombre de trimestres requis pour bénéficier du taux plein pour les générations nées à compter du 1er septembre 1961 jusqu’au 31 décembre 1972. Pour les générations 1973 et suivantes, les durées d’assurance cotisées requises restent identiques à celles en vigueur avant la réforme, puisque la durée d’assurance à taux plein n’a pas changé pour elles.
Pour inaptitude et invalidité
Le décret maintient l’âge de départ à la retraite des personnes invalides ou inaptes à partir de 62 ans, devenant ainsi un dispositif de départ anticipé du fait du report de l’âge légal de départ à 64 ans.
La loi détaille les assurés éligibles à une retraite anticipée spécifique :
- Les assurés obtenant leur retraite au titre de l’inaptitude au travail ;
- Les bénéficiaires d’une pension d’invalidité, à laquelle succède la retraite au titre de l’inaptitude au travail ;
- Les bénéficiaires de l’AAH (allocation aux adultes handicapés), réputés inaptes au travail ;
- Les assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50 %, reconnu par la commission départementale d’aide aux personnes handicapées.
Concernant les titulaires de l’AAH, le décret prévoit une information six mois avant l’âge de passage en retraite d’une part, sur la transformation de l’AAH en retraite, d’autre part, sur la possibilité de s’opposer par écrit à cette transformation quatre mois avant d’atteindre leurs 62 ans.
Pour les assurés inaptes, sont précisées les conditions d’attribution de l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées). L’âge d’obtention de l’ASPA est désormais fixé à 62 ans, et non plus à l’âge légal pour ces personnes.
À l’approche de l’entrée en vigueur de la réforme des retraites au 1er septembre 2023, l’échéancier de publication des décrets d’application encore attendus a été mis en ligne sur le site Légifrance. La publication de la majeure partie des textes s’échelonnera sur le mois de juillet pour les mesures concernant le volet transition emploi retraite (retraite progressive, cumul emploi-retraite…), la prévention de l’usure professionnelle (fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, aménagements du C2P…), ou encore celles créatrices de « droits nouveaux » (revalorisation des petites pensions, pension d’orphelin…). Les derniers textes, précisant les mesures à effet différé, paraîtront au plus tard en novembre.