La retraite anticipée pour incapacité permanente : la pénibilité

Le salarié usé par sa vie professionnelle peut bénéficier, depuis la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, de la possibilité d’un départ anticipé à la retraite à taux plein, à partir de 60 ans sous réserve de justifier d’un taux d’incapacité physique permanent d’au moins 10% au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. Ce départ anticipé était désigné « retraite anticipé pour pénibilité »

En plus du dispositif de départ anticipé pour incapacité liée au travail la loi « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » du 20 janvier 2014 avait prévu la mise en place d’un « compte personnel de prévention de la pénibilité » générant de nouveaux droits pour la retraite. Les modalités d’inscription des points sur le compte, le nombre maximal de points pouvant être acquis par un salarié au cours de sa carrière, et le nombre de points auquel ouvrent droit les expositions simultanées à plusieurs facteurs de risques professionnels ont été précisés par deux décrets du 9 octobre 2014 (D. no 2014-1155, 9 oct. 2014, JO 10 oct. et D. no 2014-1156, 9 oct. 2014, JO 10 oct.). Ce dispositif a toutefois fait l’objet de mesures de simplification dans le cadre de la loi sur le dialogue social du 17 août 2015 et par le biais de plusieurs décrets et arrêtés, entrés en vigueur le 1er janvier 2016. Une circulaire de la CNAV avait également précisé le dispositif (Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016, circ. CNAV no 2018-21, 22 août 2018, fiche 6.6).

Ce dispositif a de nouveau été simplifié par une ordonnance du 22 septembre 2017 et le compte personnel de prévention de la pénibilité est devenu, depuis le 1er octobre 2017, « le compte professionnel de prévention » ou « C2P » (Ord. no 2017-1389, 22 sept. 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention, complétée par l’ordonnance no 2017-1718 du 20 décembre 2017). Une instruction DSS/2C/2019/54 du 14 mars 2019 a apporté de nouvelles précisions quant à la mise en œuvre de cette réforme. (JO 21 déc.)

Les victimes de maladies professionnelles liées aux quatre facteurs de risques sortis du champ du C2P peuvent plus facilement accéder à la retraite anticipée pour incapacité permanente

Le compte professionnel de prévention ou « C2P » : ouverture et abondement

Bénéficient de ce dispositif les salariés des employeurs de droit privé ainsi que les agents des personnes publiques employés dans les conditions du droit privé (article L. 4162-1 du Code du travail). Les salariés titulaires d’un contrat de travail de type particulier tels que les apprentis ou les titulaires de contrats de professionnalisation devraient également être concernés comme c’était le cas dans le cadre du compte de prévention de la pénibilité (Circ. DGT/DSS/SAFSL no 2016-178, 20 juin 2016).

Un compte professionnel de prévention est ouvert par l’employeur pour chaque salarié disposant d’un contrat de travail d’une durée supérieure ou égale à un mois et qui a été exposé à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4163-1 du Code du travail pouvant « laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé » (Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016) (risques liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé), au-delà des seuils d’exposition qui ont été fixés par décret (articles L. 4162-2 et D. 4163-2 du Code du travail).

Quatre facteurs d’exposition sont entrés en vigueur le 1er janvier 2015 (travail répétitif, travail de nuit, travail en équipes successives, activité en milieu hyperbare). Six autres étaient entrés en application le 1er juillet 2016 (D. no 2015-1888, 30 déc. 2015 ; manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, bruit, températures extrêmes, agents chimiques dangereux). Mais depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017 et un décret du 27 décembre 2017 (Ord. no 2017-1389, 22 sept. 2017, JO 23 sept. ; D. no 2017-1769, 27 déc. 2017, JO 28 déc.), seuls six facteurs de risques professionnels sont pris en compte dans le cadre du compte professionnel de prévention : activités en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes et travail répétitif (articles L. 4161-1, L. 4163-1 et D. 4161-1 du Code du travail)

Les expositions à ces facteurs de risques sont évaluées après prise en compte des mesures de protection collective et individuelle mises en œuvre par l’employeur (Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016). Les modalités d’appréciation de l’exposition à ces facteurs ont été explicitées par une circulaire du 20 juin 2016 dans le cadre de l’ancien dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité (Circ. DGT/DSS/SAFSL no 2016-178, 20 juin 2016). Déclarée dans les supports déclaratifs existants (déclaration sociale nominative), cette exposition ouvre droit à l’acquisition de points inscrits sur le compte professionnel de prévention.

L’employeur doit déclarer au terme de chaque année civile, et au plus tard au titre de la paie du mois de décembre, pour les travailleurs titulaires d’un contrat de travail qui demeure en cours à la fin de l’année civile, dans le cadre de la DSN, le ou les risques professionnels auxquels ils ont été exposés au-delà des seuils fixés par l’article D. 4163-8 du Code du travail au cours de l’année civile considérée (article R. 4163-8 du Code du travail).

Pour les salariés ayant un contrat de travail d’une durée supérieure ou égale à un mois qui s’achève au cours de l’année civile, l’employeur indique le ou les facteurs de risques professionnels auxquels ils ont été exposés au plus tard lors de la paie effectuée au titre de la fin du contrat. Par la suite, l’employeur peut rectifier sa déclaration des facteurs de risques professionnels dans certains délais. Les salariés exposés annuellement à un seul facteur de risque professionnel acquièrent quatre points par année civile, et huit s’ils sont exposés à plusieurs facteurs de risques professionnels (article R. 4163-9 du Code du travail). Les salariés exposés, dont le contrat commence ou se finit en cours d’année, acquièrent deux points par période de trois mois d’exposition à plusieurs facteurs de risques professionnels et un point s’ils sont exposés à un seul facteur. Le nombre total de points pouvant être inscrits sur le compte est fixé à 100 points sur toute la carrière du salarié, non rechargeable ( article R. 4163-9 du Code du travail).

Pour les salariés nés avant le 1er juillet 1956, les points ont été multipliés par deux (article R. 4162-3 du Code du travail). Les points sont attribués par la caisse d’assurance vieillesse au vu des expositions du salarié déclarées par l’employeur (article L. 4162-3 du Code du travail). Les points restent inscrits sur le compte tant qu’ils ne sont pas utilisés et au plus tard jusqu’au départ à la retraite (Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016).

Départ anticipé pour pénibilité

Outre la prise en charge d’une action de formation professionnelle en vue d’accéder à un emploi moins pénible et le financement d’une réduction de sa durée de travail, le salarié peut décider d’affecter en tout ou partie les points inscrits sur son compte au financement d’une majoration de durée d’assurance vieillesse et d’un départ en retraite avant l’âge légal de départ en retraite (soit 62 ans pour les personnes nées à partir de 1955).

Ainsi, chaque tranche de 10 points ouvre droit à un trimestre (exemple 30 points = trois trimestres de majoration) de majoration de durée d’assurance vieillesse qui s’ajoutent au nombre total de trimestres reportés au compte d’assurance vieillesse du bénéficiaire, sans qu’ils puissent être affectés à une période particulière (article R. 4163-11 du Code du travail ; Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016).

À noter que les 20 premiers points acquis sont nécessairement réservés pour financer tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle continue. Néanmoins, pour les assurés nés avant le 1er janvier 1960, aucun point n’est réservé à la formation, et pour les assurés nés entre le 1er janvier 1960 et le 31 décembre 1962, seuls les 10 premiers points inscrits sont réservés à la formation (article R. 4163-13 du Code du travail).

Cette option de partir de manière anticipée peut être exercée à partir de 55 ans, sous réserve d’un nombre suffisant de points acquis (article L. 4163-7 du Code du travail). Cette utilisation, pour anticiper l’âge de départ à la retraite, est limitée à huit trimestres (article D. 161-2-1-10 du CSS).

La majoration pour pénibilité abaisse d’autant l’âge légal de départ à la retraite. Toutefois, cette anticipation est facultative. Un assuré qui demande la conversion de ses points en trimestres de majoration de durée d’assurance peut ne pas souhaiter bénéficier également de l’anticipation de l’âge légal d’obtention de la retraite ou en bénéficier seulement en partie (article L. 161-17-4 du CSS ; Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016).

Exemples

1) Un assuré, dont l’âge légal d’obtention de la retraite est fixé à 62 ans, bénéficie de cinq trimestres de majoration de durée d’assurance du compte professionnel de prévention. Il ne réunit pas la durée d’assurance nécessaire à l’obtention du taux plein.

Cette majoration lui permet d’atteindre la durée d’assurance nécessaire à l’obtention du taux plein ou de minorer la décote dont le taux de calcul de sa pension va faire l’objet.

Toutefois, il souhaite poursuivre son activité au moins jusqu’à l’âge légal et, par conséquent, ne pas faire valoir ses droits à retraite par anticipation. Le point de départ de la pension de vieillesse sera donc fixé en fonction des règles de droit commun, conformément au choix exprimé par l’assuré.

2) Ce même assuré souhaite cesser son activité six mois seulement avant l’âge légal. Par conséquent, celui-ci ne sera anticipé qu’à concurrence de deux des cinq trimestres de majoration de durée d’assurance obtenus.

La majoration au titre du compte professionnel de prévention devrait être prise en compte (Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016) :

–          Pour l’ouverture du droit au minimum contributif mais n’est pas considérée comme une période cotisée ouvrant droit à la majoration de ce minimum (mais pas pour le calcul de ce dernier) ;

–          Pour atteindre la durée d’assurance « taux plein » ouvrant droit à la surcote (mais n’est pas prise en compte pour la détermination de la période de référence sur laquelle les droits à surcote sont appréciés) ;

–          Pour l’ouverture du droit à la retraite progressive et dans la durée d’assurance retenue pour la détermination du taux de calcul (mais ne l’est pas pour la durée d’assurance retenue pour le calcul de la retraite progressive et de la retraite définitive). La retraite progressive n’a, par ailleurs, pas pour effet de clôturer le professionnel de prévention ;

–          Pour l’ouverture du droit à la retraite anticipée pour assurés handicapés (mais pas en tant que durée cotisée) ;

–          Pour l’ouverture du droit à la retraite anticipé pour carrières longues (article L. 351-6-1 du CSS). La totalité des trimestres de majoration de durée d’assurance au titre du compte professionnel de prévention sont retenus au titre de la durée d’assurance cotisée.

L’assuré qui peut bénéficier à la fois d’une retraite anticipée (pour carrière longue ou en tant qu’assuré handicapé) et d’une pension de vieillesse attribuée par anticipation dans le cadre de la majoration de durée d’assurance du compte pénibilité doit opter pour l’un ou l’autre de ces dispositifs.

Par ailleurs, la majoration « pénibilité » est prise en compte dans la durée d’assurance pour la détermination du taux de calcul de la pension (Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016). Il s’ensuit que cette majoration doit, à ce titre, être prise en compte :

–          Dans le cadre du cumul emploi-retraite, pour la détermination de la durée d’assurance « taux plein » permettant le cumul intégral, à l’âge légal d’obtention de la retraite, entre la pension de vieillesse et des revenus d’activité professionnelle, dès lors que le retraité a obtenu toutes ses retraites de base et complémentaires ;

–          Chaque fois que la justification de la durée d’assurance « taux plein » impacte les différents dispositifs hors retraite (chômage…) qui en font une condition d’ouverture ou de fin de droit.

En revanche, la majoration n’est pas prise en compte dans la durée d’assurance retenue au régime général pour le calcul de la pension. Ceci vaut également pour les autres paramètres entrant dans le calcul de la pension. Ainsi, la majoration de durée d’assurance pour âge du compte de prévention de pénibilité n’est pas prise en compte (Circ. CNAV no 2016-10, 5 févr. 2016) :

–          Dans la durée d’assurance pour âge attribuée aux assurés ayant dépassé l’âge légal du taux plein et ne justifiant pas, tous régimes confondus, de la durée de référence pour obtenir une retraite complète ;

–          Dans la durée d’assurance pour le calcul du salaire annuel moyen.

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